Fusilli, aubergines confites, tomates séchées & burrata

Il sortait d’une séance de cinéma en plein centre de Rome, sans vraiment avoir envie de rentrer. Ce samedi de septembre sentait encore les vacances, et la ville brillait d’une lumière qui donnait envie de tout ralentir. Et puis elle était là. Quinze ans plus tard. Même regard, même sourire timide. Le cœur avait eu un léger raté — comme les vieux tourne-disques qui reprennent vie.

Ils n’ont pas parlé du passé. Juste ri de la coïncidence, marché un peu, puis il a proposé :
– Vuoi cenare? Ho qualcosa da cucinare a casa.
(Tu veux dîner ? J’ai de quoi cuisiner chez moi.)
Elle a dit oui sans réfléchir. Peut-être pour la même raison.

Dans la cuisine ouverte, il a coupé les aubergines pendant qu’elle ouvrait le vin. L’ail embaumait déjà la poêle. Il improvisait, comme toujours.
– Cucino con quello che c’è… ma fidati, sarà buono.
(Je cuisine avec ce qu’il y a… mais fais-moi confiance, ce sera bon.)
Fusilli, aubergines confites, tomates séchées, burrata fraîche. Elle goûtait tout, les yeux brillants. Comme s’il servait un peu plus qu’un plat.

Et puis, la musique. Par réflexe ou inconscience, il avait lancé La Solitudine de Laura Pausini. Elle s’est figée. Lui aussi. Ils ont éclaté de rire.

– Anche tu la ascoltavi?
(Toi aussi, tu l’écoutais ?)
– In loop. Quando ci siamo lasciati. Pensavo di essere l’unica scema romantica…
(En boucle. Quand on s’est quittés. Je croyais être la seule débile romantique…)

Ils ont continué à cuisiner en silence, avec cette chanson en fond. Le basilic a été ciselé avec lenteur. La burrata déposée comme une promesse qu’on ne fera pas.

Ils ont dîné sur le balcon. Le plat était délicieux. Simple. Solaire. Parfait pour un soir sans plan.

Et quand La Solitudine est revenue sur la playlist, ils ne se sont rien dit. Ils sont allés se coucher. Ensemble.

Le lendemain, le soleil brillait. Le plat avait laissé de la tendresse, comme un été qui s’éloigne doucement sans vraiment finir..