Bucatini, tomates cerises rôties, burrata & olives Taggiasche

À Lyon, dans un appartement aux murs chargés de tableaux colorés et de livres penchés, Paolo recevait comme chaque mois ses compagnons de jeu. Ce n’étaient pas des amis proches, non. Mais il y avait une habitude, une chaleur tranquille dans ces soirées où les cartes claquaient, les pions glissaient, les dés roulaient.

Mais ce soir-là, quelque chose coinçait.

Les sourires étaient crispés. Les blagues, rares. Chacun semblait enfermé dans un silence rempli d’autres soucis — un client odieux, une dispute au petit déjeuner, une fatigue sans nom. Rien n’était dit. Parce qu’ici, on posait ses valises mentales à la porte. C’était la règle tacite.

Mais l’air devenait irrespirable.

« On devrait peut-être reporter, non ? » proposa Jean, en jouant machinalement avec une carte. Deux acquiescements discrets. Et un silence.

Un silence lourd comme un couvercle.

Et Paolo, debout sans un mot, se dirigea vers la cuisine.

Un quart d’heure plus tard, il déposa sur la table un grand plat de bucatini, entrelacés comme des liens qu’on croyait défaits. Les tomates cerises, rôties au four, s’étaient ouvertes comme des confidences. La burrata, déchirée à la main, coulait doucement. Les olives Taggiasche, noires et brillantes, ponctuaient le tout d’un équilibre inattendu.

Personne ne dit rien. On mangea. Longtemps.

Et quelque chose changea. Les épaules se relâchèrent, les regards se croisèrent de nouveau. Une blague fusa. Puis un rire. Puis une anecdote. On reprit une partie, cette fois-ci vraie, engagée, joyeuse. Suivie d’une deuxième.

Ce soir-là, Paolo avait cuisiné plus qu’un plat. Il avait retourné la soirée.

Et plus tard, bien plus tard, quelqu’un dit :
« C’était peut-être la meilleure de toutes. »