Calamarata, palourdes, pesto de fanes de radis, anchois
À Faugères, Bernard préparait ses pâtes avec la concentration d’un homme qui ferait passer une audition à chaque spaghetti. Ce jour-là, il s’attaquait à une calamarata aux palourdes, pesto de fanes de radis et crème d’anchois. Une recette contrastée : fanes rebelles, palourdes précieuses, et un anchois au centre, genre vieux sage qui sait que sans lui, ça finit en baston culinaire.
Alors qu’il mixait ses fanes avec méfiance (“On dirait un smoothie pour chèvre en détox…”), un courant d’air étrange alluma la vieille radio italienne des années 80, rafistolée et bancale, toujours prête à s’effondrer comme une démocratie mal ficelée.
Et pouf. Andrea.
Même chemise négligemment boutonnée, même œil sceptique, mais un tablier brodé “Re delle Forchette”.
Ils se regardèrent. Bernard leva un sourcil. Andrea aussi.
Bernard : « Ma tu, chi sei ? »
Andrea : « Toi. Mais sans le goût pour les titres de blog trop longs. »
Ils ne comprirent rien, sauf qu’ils se comprenaient. Andrea publiait aussi des recettes de pâtes sur son blog mais dans un monde où les radis avaient leur chaîne YouTube et où les coquillages étaient invités à des talk-shows.
Bernard lui tendit une cuillère. Silence. Puis en chœur :
« L’anchois, c’est lui qui fait tenir le truc debout. »
Ils échangeaient à toute vitesse : souvenirs flous, recettes ratées, lubies de cuisine, comme s’ils avaient passé leur enfance dans les mêmes casseroles. La complicité était immédiate, absurde, joyeuse — celle de deux inconnus qui se reconnaissent au premier fou rire.
Ils riaient comme deux chefs qu’on aurait forcés à applaudir une carbonara à la crème. Hilares, comme deux survivants d’un stage de cuisine végétalienne sans huile d’olive ni sarcasme. Comme des anciens élèves d’une école expérimentale où le pesto s’appelait “purée verte émotionnelle”.
Andrea ajouta :
« Tu devrais lever le pied. Sinon, un jour, c’est ton double qui publiera à ta place. »
Clignement d’yeux.
Andrea envolé.
Bernard regarda son plat. Il rédigea la recette. Et, pour la première fois en quatre ans, il écrivit :
“Et vous, quelle est la recette qui vous fait douter de la réalité ?”
Puis il sortit. Direction Pézenas. Avec une furieuse envie de discuter avec les copains.
Calamarata, palourdes, pesto de fanes de radis, anchois
Plat : Soleil méditerranéen4
pers.5
minutes15
minutesIngredients
320 gr de calamarata
500 gr de palourdes
1 botte de radis
1 cuillère à café de crème d’anchois
Huile d’olive
Poivre
Directions
Déposer les palourdes dans de l’eau salée pendant 2 heures pour ôter le sable qu’elles pourraient contenir. Changer l’eau à 3 reprises, puis rincer les palourdes à l’eau froide.
Les mettre dans une casserole sur un feu vif afin qu’elles s’ouvrent. Au terme de la cuisson, éliminer les palourdes qui sont restées fermées.
Filtrer le jus avec une gaze alimentaire.
Décortiquer les palourdes, en garder une vingtaine avec leurs coquilles.
Couper les fanes de radis, les passer sous un filet d’eau fraîche avant de les mixer avec de l’huile d’olive, le jus des palourdes, la crème d’anchois et une pincée de poivre.
Cuire les calamarata dans un grand volume d’eau salée et bouillante. Les égoutter al dente puis les mélanger au pesto de fanes de radis et jus de palourdes.
Servir.
Notes
- Un duo terre-mer inattendu. La rencontre d’une agriculture de bon aloi et d’une bourgeoisie délicate. Des ingrédients qui n’ont rien pour cohabiter et pourtant … Il y a l’aspect terreux, végétal des fanes de radis, un goût prenant qu’une légère vivacité en fin de bouche atténue à peine. Il y a, de l’autre côté, la palourde sensible (attention surtout à ne pas trop la cuire) qui a des difficultés à s’imposer mais qui y parvient grâce à sa texture, son goût iodé. On a misé sur la crème d’anchois pour être le témoin et le garant d’une harmonie gustative surprenante.